13 ans et plus

Mode d'emploi pour parents d'ados

Mode d'emploi pour parents d'ados

   Photographe : iStock

Notre ado apprend à devenir quelqu'un et à se passer peu à peu de nous. Mais cette étape, aussi stimulante soit-elle, suscite son lot d'émotions. Voici des pistes pour mieux communiquer.

 

«C'est mon corps! Je peux bien faire ce que je veux!»

Camille, 16 ans, veut se faire percer le nez, mais son père refuse. «À mon âge, je sais ce que j'aime. Et j'aime les piercings. Mon père trouve ça laid et me parle de dangers et d'infections. Je voudrais qu'il respecte mes choix et mes goûts.»

Ce qu'en dit l'experte: «Il faut choisir nos batailles, rappelle Danie Beaulieu. Les cheveux orange, le fond de culotte à terre, l'allure gothique, on peut trouver ça laid, mais est-ce dangereux? Est-ce si important?» Plus on se battra pour imposer notre opinion à notre jeune, plus ce style deviendra attrayant pour lui. Il affirme ainsi sa personnalité et, sur ce point, on devrait lui donner beaucoup de latitude.

On garde notre énergie pour ce qui laisse des traces, comme les piercings et les tatouages. Comme l'ado a tendance à vivre dans l'immédiat, notre rôle consiste à l'aider à se projeter dans l'avenir. On lui demande s'il aime encore Caillou ou tout autre personnage qu'il aimait auparavant. Puis, s'il serait heureux d'avoir Caillou tatoué sur le corps. «L'objectif, c'est de lui faire réaliser que ses goûts ont changé et changeront encore, dit Danie Beaulieu. Que sa passion d'aujourd'hui lui fera peut-être honte plus tard.»

Bien sûr, on lui demande aussi s'il connaît les risques pour la santé. Cette stratégie est plus efficace qu'un non catégorique. «On l'amène ainsi à réfléchir aux conséquences à long terme et, peut-être, à changer d'idée, explique Danie Beaulieu. Si on est trop autoritaire, on l'incite à s'opposer.» On court alors le risque qu'il se fasse tatouer ou percer à notre insu.

 

«Je ne veux pas aller en vacances avec vous.»

Cet été, Gabrielle, 15 ans, n'ira pas en voyage avec sa famille. Elle préfère participer à une immersion en anglais: «Je veux faire mes propres affaires», dit-elle. Son père, François, est d'accord. «Je trouve normal qu'elle ne veuille plus nous suivre, qu'elle souhaite plus de pouvoir sur sa vie.» Nathalie, pour sa part, est moins zen devant le refus de son fils de 15 ans d'aller au chalet familial. «Il trouve ça plate. Je comprends, mais ça pose un problème, car il n'est pas assez mature pour rester seul à la maison.» La solution retenue? Y aller un week-end sur deux.

Ce qu'en dit l'experte: «Notre ado nous aime autant qu'avant, soutient Mélanie Gosselin, psychologue scolaire au secondaire. Toutefois, il doit se détacher de nous pour forger son identité et acquérir son indépendance.» Reste que cela peut compliquer drôlement l'organisation des vacances! Certes, on peut obliger notre grand à suivre. Mais deux semaines en camping avec un ado qui fait la gueule, est-ce notre définition des vacances?

«Le mieux, c'est de l'impliquer dans la planification et d'inclure des activités qui l'intéressent», note la psychologue. Et, oui, cela peut signifier renoncer à notre séjour annuel au chalet de tante Denise. On peut faire des compromis sur la destination, la durée du séjour (un week-end chez Denise au lieu de deux), les activités, le type d'hébergement. Une autre piste pour amadouer notre jeune: emmener un de ses amis avec nous.

Si on le juge assez mature pour rester à la maison, on s'entend avec lui sur ce qui est permis ou non, comme recevoir des amis. On s'assure également qu'il peut joindre un adulte en tout temps. Enfin, on l'avise de ne pas écrire sur sa page Facebook que ses parents sont absents... 482 amis, ça fait un méchant party!

 

«Mon chum peut-il dormir à la maison ce soir?»

Audrey, 14 ans, tente de convaincre sa mère d'accepter que son chum couche à la maison. «C'est pas pour faire l'amour. Je veux juste sentir sa présence, me coller. J'aimerais que ma mère comprenne qu'on s'aime vraiment.» Cette dernière estime que sa fille est trop jeune. «De plus, elle sort avec lui depuis deux mois seulement. Après un an, j'accepterai peut-être.»

Danielle, mère d'un garçon de 17 ans, est d'un autre avis. «À 15 ans, mon fils avait une blonde depuis deux mois et je constatais que leur désir montait. Je leur ai dit que Mélissa pourrait dormir ici quand ils se sentiraient prêts. Je préférais qu'il vive sa première expérience sexuelle à la maison plutôt que dans un party ou une auto.»

Ce qu'en disent les expertes: On est mal à l'aise avec cette demande? Danie Beaulieu conseille de s'interroger sur nos valeurs et nos inquiétudes pour ensuite les partager avec notre jeune. «Les ados acceptent mal les refus sans explications. Il faut leur dire pourquoi.» Il rétorquera peut-être que tous les autres parents acceptent, mais c'est faux, selon Caroline Palardy, qui reçoit beaucoup d'appels de parents à ce sujet.

«Plusieurs proposent un compromis, comme dormir dans des pièces séparées, dit-elle. D'autres n'aiment pas que leur ado fasse l'amour sous leur toit, mais acceptent qu'il dorme chez sa petite amie.» Une bonne tactique consiste à laisser une porte ouverte: «C'est non pour l'instant, mais on en reparlera dans quelques mois.»

On accepte? On s'assure que notre jeune est prêt à franchir cette étape. «On ne lui parle pas seulement de contraception et de maladies, mais aussi d'amour et de respect, dit Caroline Palardy. On peut aussi lui donner un bon ouvrage sur la sexualité.» Et fixer des limites. Par exemple: «Si notre fils change souvent de blonde, on peut lui dire qu'il pourra emmener une fille dormir à la maison quand il vivra une relation stable», suggère Daniel Beaulieu.

 

«T'as pas d'affaire à m'espionner sur Facebook.»

Diane apprend par un membre de son entourage qu'Alexis, son fils de 13 ans, a publié sur Facebook des informations très intimes. En voulant voir sa page, elle réalise qu'il l'a retranchée comme amie, ce qui l'empêche d'accéder à son profil. «J'ai eu une conversation avec lui sur le caractère public d'Internet et sur ce qu'on pouvait y diffuser ou non. Je l'avais déjà fait, mais j'ai constaté qu'il faut répéter.»

Elle exige qu'il efface les propos inappropriés et qu'il redevienne son ami virtuel. «Sinon, il n'aurait plus accès à l'ordinateur, car je changerais les mots de passe. Je lui ai dit que son utilisation inadéquate d'Internet exigeait une supervision plus étroite.» Alexis proteste en arguant que «personne n'a sa mère comme amie sur Facebook». Voyant qu'il n'a pas le choix, il obtempère.

Ce qu'en dit l'experte: «En étant amie de son jeune sur Facebook, Diane s'assure qu'il en fait une utilisation correcte et prudente», approuve Caroline Lauzon. Elle conseille cependant la discrétion. «On ne lui parle pas de tout ce qu'on lit sur sa page et on n'écrit pas sur son mur. On intervient uniquement en cas de problème. Sinon, ça devient de l'intrusion.»

Reste que plusieurs jeunes saisissent mal qu'Internet et intimité sont à l'opposé. Ils disent que seuls leurs amis peuvent voir leur page Facebook... mais ils en ont 500! Des pensées intimes risquent de se répandre rapidement. D'autant plus que certains rendent leurs informations accessibles aux amis de leurs amis ou même à tout le monde. Une bonne idée: revoir avec notre ado ses paramètres de confidentialité.

On peut aussi lui dire qu'il n'a pas à accepter toutes les demandes d'amitié. Il faut toutefois savoir que les jeunes attachent une grande importance au nombre d'amis sur Facebook. «Ils se comparent beaucoup, remarque Caroline Lauzon. Si tu as seulement 50 amis, tu fais dur.» À tout le moins, on lui dit de jeter un coup d'oeil sur la page des gens qui le sollicitent et de s'assurer qu'un lien les unit avant d'accepter.

 

«Tout le monde a un cellulaire.»

Depuis un an, Félix, 13 ans, réclame un cellulaire. Son principal argument? «Je suis le seul à ne pas en avoir.» Il ajoute parfois: «Vous pourriez toujours me joindre. Et si je me faisais attaquer, je pourrais vous appeler.» Mais ses parents sont inflexibles. «Il a raison: presque tous ses amis ont un cellulaire, reconnaît sa mère. Mais je considère que mon fils n'en a pas besoin.» Par contre, Félix ne porte que des vêtements griffés. «Je les achète toujours en solde, dit sa mère. Sinon, j'alloue un montant de base et mon fils paie la différence avec son argent de poche ou les sommes reçues en cadeau.»

Ce qu'en dit l'experte: «L'ado s'identifie fortement au groupe d'amis auquel il appartient, explique Caroline Lauzon, psychoéducatrice au CSSS Richelieu-Yamaska. C'est très important pour lui d'être et de faire comme les autres. Et cela passe souvent par les biens de consommation.» Elle suggère de susciter la réflexion en posant des questions. «Pourquoi est-ce important pour toi? Comment réagiront tes amis si tu ne portes pas telle marque? À quoi te servirait un cellulaire?»

On ne répond pas à ses désirs sans le responsabiliser. Un cellulaire? «Il doit savoir que ce n'est pas gratuit», insiste la psychoéducatrice. On lui montre les factures. On s'assure qu'il comprend bien son forfait. On lui fait payer les dépassements, s'il y a lieu. «Apprendre à notre ado la valeur de l'argent, c'est lui rendre service pour le restant de sa vie», conclut-elle.

 

«Ça ne me tente pas de travailler.»

Justin, 17 ans, ne souhaite pas se trouver un emploi d'été ni travailler à temps partiel pendant l'année scolaire. Il préfère «chiller» avec ses amis et se la couler douce. Ses parents, qui sont divorcés, se sont entendus pour cesser de lui donner de l'argent pour ses sorties dans l'espoir qu'il se décide enfin à travailler. «On veut qu'il se responsabilise», dit sa mère.

Ce qu'en dit l'experte: «Si notre jeune ne veut pas travailler, il doit en assumer les conséquences, c'est-à-dire ne pas avoir d'argent pour le cinéma, le resto, La Ronde, souligne Caroline Palardy, intervenante psychosociale à Ligne Parents. C'est son choix.» On ne peut pas l'obliger à travailler, mais on n'a pas à lui payer le superflu. «Il ripostera, il sera mécontent, mais, pour être cohérente avec nos valeurs, il faut tenir notre bout.»

Caroline Palardy conseille d'expliquer à notre jeune pourquoi on considère important qu'il se trouve un emploi: acquérir une expérience de travail, découvrir ses intérêts, gagner en autonomie, bâtir son CV, etc. «On a plus de chances de le convaincre avec des arguments qu'en se contentant de lui dire de se trouver un job. On lui fait comprendre que, derrière notre demande, il y a une inquiétude. Si, à 18 ans, il n'a jamais travaillé, quelle impression fera-t-il à d'éventuels employeurs?»

 

«Tu ne me fais jamais confiance.»

Vincent, 14 ans, annonce à ses parents qu'il va à un party et qu'il reviendra le lendemain. Quand Johanne, sa mère, demande plus de détails, il reste évasif. «Je lui ai dit qu'il ne sortirait pas s'il ne me disait pas où il allait, raconte celle-ci. De plus, je voulais parler aux parents du jeune qui recevait pour m'assurer qu'il y aurait de la supervision.» Vincent lui reproche de «capoter pour rien» et de ne pas lui faire confiance, mais il finit par lui donner un nom et une adresse.

Elle trouve le numéro de téléphone et demande à parler aux parents. Ils sont absents. Le jeune qui répond nie organiser une fête et prétend qu'elle a lieu chez son voisin. «Sa réaction a confirmé mes soupçons: c'était un open house, dit Johanne. J'ai expliqué à mon fils que je craignais pour sa sécurité et qu'en plus, je désapprouvais qu'un jeune fasse une fête à l'insu de ses parents.» Vincent n'a pas eu l'autorisation d'y aller.

Ce qu'en dit l'experte: «À l'adolescence, la région du cerveau permettant de dominer les impulsions et de faire preuve de jugement est encore en développement, explique Mélanie Gosselin. C'est pourquoi l'ado a tendance à prendre des risques, à sous-évaluer le danger et à croire que rien ne peut lui arriver.» Il a besoin qu'on lui donne des balises. «Il accusera ses parents de ne pas lui faire confiance et d'être trop sévères, poursuit la psychologue. Mais on doit lui faire comprendre que plus il démontrera qu'il est responsable, plus il aura de liberté.»

Bien sûr, on tient parole et on ajuste nos limites au fur et à mesure qu'il prend de la maturité. Il faut aussi se remettre en question: est-on vraiment trop sévère? On en parle avec d'autres parents d'ados. «Notre rôle est de le protéger sans le surprotéger», résume Mélanie Gosselin. Un party avec un couvre-feu? Oui! Un open house? Non!

 

«C'était juste pour essayer...»

En revenant d'une soirée, Sonia trouve son fils de 14 ans par terre dans sa chambre, dans ses vomissures. Elle apprend qu'avec quelques amis, il avait décidé de «goûter» à la vodka. «Je suis tombée des nues, car il en était à sa première expérience du genre.» Elle veut comprendre ce qui l'a poussé à consommer. «Il a d'abord dit qu'il ne le savait pas, puis qu'il avait voulu essayer.» Sonia et son conjoint ont une conversation avec lui sur les leçons à tirer d'une telle mésaventure, mais décident de ne pas sévir. «Sa punition, c'est d'avoir été très malade. Jusqu'à nouvel ordre, nous considérons cela comme un incident isolé.» Par contre, l'alcool est désormais sous clé.

Ce qu'en dit l'experte: C'est une première? «On évite de juger notre ado ou de piquer une colère, dit Caroline Lauzon. Sinon, il se rebiffera, et toute tentative de communication sera vaine.» On attend qu'il se dégrise, puis on lui dit qu'on s'est inquiétée et on lui pose des questions qui l'amènent à réfléchir: «Pensais-tu que l'alcool (ou la drogue) pouvait faire perdre le nord ainsi? Qu'as-tu appris de cette expérience? Que feras-tu la prochaine fois que tu auras l'occasion de consommer?» On lui parle aussi de consommation responsable et de nos attentes à cet égard. On l'incite également à faire des recherches sur Internet sur les effets de l'alcool et des drogues.

Faut-il le punir? À nous de voir, mais, si c'est son premier faux pas, Caroline Lauzon privilégie une intervention plus douce. «Les punitions draconiennes perdent du sens et incitent le jeune à se rebeller. Ainsi, le priver de sorties pendant six mois serait exagéré, mais on peut le garder à la maison un week-end ou devancer son couvre-feu quelque temps.» En revanche, s'il récidive, on resserre la vis.

 

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